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Le Tarot sur Mathesis universalis !!!

pas d’ésotérisme, de mysticisme ou de théosophie (de “crédulité théosophique”  dit Brunschvicg ) ici, et donc toute la partie non philosophique de l’anthrosophie de Rudolf Steiner, inspirée de la théosophie de Blavatsky (qui vole beaucoup moins haut que celle de Jacob Boehme) est rejetée dans les abîmes extérieurs, “là où il y aura des grincements de dents” (et où il y en a, déjà et depuis toujours).

Si nous devions caractériser notre orientation (plutôt que notre position, car une position est statique donc morte, une orientation est dynamique donc vivante et agissante) nous choisirions cette excellente formulation de Marcel Deschoux à propos de la pensée de Léon Brunschvicg ;

un idéalisme à hauteur d’homme

et ceci répond parfaitement au propos suivant (d’une profondeur et d’une clarté extraordinaires) de Brunschvicg lui même (dans “Raison et religion” en 1939, juste avant que tombe la nuit sur l’humanité) :

quelques citations éparses de Brunschvicg particulièrement éclairantes, voire illuminatrices

“il ne s’agit plus pour l’homme de se soustraire à la condition de l’homme. Le sentiment de notre éternité intime n’empêche pas l’individu de mourir, pas plus que l’intelligence du soleil astronomique n’empêche le savant de voir les apparences du soleil sensible. Mais, de même que le système du monde est devenu vrai le jour où la pensée a réussi à se détacher de son centre biologique pour s’installer dans le soleil, de même il est arrivé que de la vie qui fuit avec le temps la pensée a fait surgir un ordre du temps qui ne se perd pas dans l’instant du présent, qui permet d’intégrer à notre conscience toutes celles des valeurs positives qui se dégagent de l’expérience du passé, celles là même aussi que notre action réfléchie contribue à déterminer et à créer pour l’avenir. Rien ici qui ne soit d’expérience et de certitude humaines. Par la dignité de notre pensée nous comprenons l’univers qui nous écrase, nous dominons le temps qui nous emporte; nous sommes plus qu’une personne dès que nous sommes capables de remonter à la source de ce qui à nos propres yeux nous constitue comme personne”

(entre parenthèses, Brunschvicg oppose ici le Soleil sensible, celui que tout le monde voit chaque jour,  au Soleil astronomique objet de l’intelligence des savants, et ceci ressemble fort, en apparence seulement, aux affirmations  de Rudolf Steiner opposant lui aussi les corps célestes matériels (lune, soleil, planètes) à leur nature dite “spirituelle”, mais Steiner refuse la science en arguant qu’il se situe au dessus d’elle, dans un prétendu “monde spirituel” où lui seul aurait accès….un peu trop facile !))

cela ne m’empêche pas de trouver dans les arcanes majeurs du Tarot une excellent illustration symbolique des orientations suivies ici, à tel point que j’en ai retenu deux en image d’en tête de mes blogs : l’Amoureux (lame VI) et Le Pendu (lame 12).

Les deux représentent un aspect symbolique de la Croix, dont l’axe vertical représente l’Esprit, ou le “monde spirituel” (à condition de ne pas considérer cette formulation dangereuse à l’image du monde où nous vivons) et l’axe horizontal représente le monde justement, le monde de la durée et de l’éternité conçue comme durée perpétuelle, c’est à dire imaginaire, le monde de l’Histoire factuelle des peuples, “cauchemar dont j’essaye de m’éveiller”. Le centre de la Croix est l’instant, “à la croisée du temps et de l’éternité”, véritable “porte étroite” du “Royaume des cieux” qui est en nous.

L’Amoureux se situe en ce centre qui est l’instant, au croisement de deux voies : l’une mène au “monde”, l’autre mène à l’Esprit. Les commentaires du Tarot, largement infectés d’ésotérisme et de kabbale, insistent bien sûr sur le rôle des deux femmes (alertez vite les Femen !) qui cherchent à attirer l’Amoureux : l’une est la femme qui cherche à le perdre en l’orientant vers la facilité et l’attrait de la sensualité (il me semble d’ailleurs qu’il existe des versions “érotiques” du Traot où elle est représentée seins nus, ou avec des atours qui promettent les plaisirs du sexe) , l’autre est d’une stature sévère, elle ne cherche pas à duper l’Amoureux en l’attirant par la taille, elle le laisse libre en ne lui promettant pour les premiers pas sur la voie que “du sang, de la sueur et des larmes”, comme pour le naufragé d’Herman Melville à qui “la Vérité, en ses premières vagues, n’apporte que des épaves”).

Le Pendu représente l’Amoureux (c’est à dire nous tous, si du moins nous cessons de regarder la télé ou de perdre notre temps sur les “réseaux sociaux” qui devraient plutôt être appelés “antisociaux”) à un stade ultérieur, s’il a eu le courage de suivre les suggestions de la femme sévère (qui représente selon moi la mathématique) plutôt que celles de la “Vénus des carrefours” : la polarité “normale”, c’est à dire l’attrait du “monde” et du plaisir, de l’avoir, et du pouvoir, s’est inversée et notre homme est “pendu”, c’est à dire orienté vers le “ciel” de l’Esprit. Dans le premier verset de la Genèse, le ciel et la terre signifient la même dualité de l’Esprit (Shamayim = cieux) et du “monde” (Ha Aretz = la Terre).

 

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